Dynastie Mérovingienne : Les Rois Mérovingiens Fainéants ?

L'empire des Mérovingiens n’a cessé d’alimenter légendes et idées reçues. Mais l’image de la paresse qui s’est identifiée à celle du royaume de la première dynastie franque est-elle fondée dans la réalité?
Le pouvoir royal s’affaiblit
La légende des rois fainéants prend naissance dans la période de troubles politiques qui suit la mort du roi Dagobert en 639, et favorise la montée de la famille des Pippinides (les ancêtres de Charlemagne) à partir de la seconde moitié du VIIe siècle. La Gaule est alors divisée en plusieurs territoires (la Neustrie, l’Australie, la Burgondie ou Bourgogne, et l’Aquitaine) que se partagent les derniers Mérovingiens.
À chaque succession, la répartition des héritages fonciers provoque guerres civiles et assassinats, et conduit progressivement à l’affaiblissement du pouvoir. Parallèlement à ces désordres se constituent au VIIe siècle des clans nobiliaires régionaux qui soutiennent des personnages appelés les « maires du palais ». Ce sont des fonctionnaires de la cour royale qui ont pour tâche de gérer les domaines du souverain et qui peuvent attribuer des parcelles à des nobles en récompense de services rendus à la couronne. Ils deviennent de plus en plus puissants, jouissent d’une autonomie croissante et, au cours du VIIe siècle, soutenus par la noblesse, ils partent à la conquête du pouvoir royal.
Et voilà les rois fainéants !
En Neustrie, le maire du palais, Ébroïn, cherche, en 673, à imposer son autorité en poussant sur le trône un roi ludion, Thierry, troisième fils de Clovis II et de la reine Bathilde. Thierry III est considéré comme le premier roi fainéant. Manipulé par Ébroïn à plusieurs reprises, puis écarté, il accepte docilement de monter sur le trône ou d’en redescendre pour se faire envoyer dans un couvent. Le royaume se subdivise alors en principautés autonomes ou indépendantes, et la famille pippinide finit par prendre le pouvoir dans cette région.
En 687, Pépin le Jeune, dit de Herstal, bat les Neustriens à la bataille de Tertry et devient maire du palais du roi Thierry, désormais son otage : Charles Martel, fils naturel de Pépin, également maître de l’Austrasie et de la Neustrie, poursuit l’oeuvre d’unification des Francs qui s’achève sous le règne de son fils, Pépin le Bref, sacré roi en 751, après la destitution de Childéric III, dernier représentant de la dynastie mérovingienne.
Quand la propagande carolingienne s’en mêle
L’intérêt des Carolingiens, successeurs des Pippinides, à élaborer la légende des rois fainéants est ainsi évident : elle légitime, en quelque sorte, leur prise de pouvoir. La plus ancienne version que l’on ait de cette légende est celle d’Eginhard, secrétaire et biographe de Charlemagne. Elle est reprise au Xe siècle, puis au XIIIe siècle, dans les Grandes Chroniques de Saint-Denis. Dans tous ces textes, les rois mérovingiens sont discrédités et comparés à leur désavantage aux souverains carolingiens. S’ils ne règnent pas, c’est parce qu’ils sont paresseux. Ils sont incapables de se battre, alors que les Carolingiens, tel Roland, le neveu de Charlemagne, sont d’héroïques guerriers. Ils sont avilis, parce qu’ils ont abandonné le mode de vie noble. La meilleure preuve : ils ne se déplacent pas à cheval, mais sont traînés dans des chars à bœufs.
Les Mérovingiens sont également jugés ridicules parce qu’ils portent les cheveux longs, source pour eux de la légitimité royale et de la puissance, alors que les Carolingiens y voient un signe de leur bestialité. On les décrit aussi comme des ivrognes ou, encore, des êtres monstrueux, les comparant à des animaux « avec des poils qui leur poussaient le long de l’échine dorsale comme les porcs »...
La République n’a pas besoin de fainéants !
Cette tradition très tenace est reprise dans les manuels d’histoire de la IIIe République. Le manuel le plus couramment utilisé alors, celui de Lavisse, insiste sur le fait que, seul, Charles Martel peut défendre la Gaule contre les invasions arabes : « À l’époque des rois fainéants, la Gaule est de nouveau envahie. Notre pays va-t-il devenir musulman? Les rois mérovingiens sont incapables de la défendre... »
Pourtant, le fondateur de la dynastie, Clovis, est toujours magnifié. C’est que cette « histoire officielle » appuie son récit de la constitution de la France sur les actes glorieux de quelques grands héros comme Vercingétorix, Charles Martel, Charlemagne et Roland, Du Guesclin ou Jeanne d’Arc, et peut donc inclure le premier roi de la dynastie mal aimée. Seuls les grands noms sont valorisés et les Mérovingiens, excepté Dagobert, parce qu’ils n’ont pas réalisé personnellement un exploit ou une œuvre exceptionnelle, passent aux oubliettes de l’histoire.
Fainéants, peut-être, mais violents, sûrement!
Les fils de Clodomir
En 534, deux des enfants du deuxième fils de Clovis, Gontran et Théodebald, sont assassinés par leurs oncles Clotaire Ier et Childebert. Le premier est poignardé par Clotaire, et le second, alors qu’il supplie son oncle de l’épargner, est étranglé. Le troisième des fils, Cloud, ou Clodoald, est sauvé et devient moine dans un couvent.
Théodebert
Fils de Childebert, mort en 595, il est assassiné ainsi que son fils Mérovée par son frère Thierry, en 612.
Saint Léger
En 677, l’évêque d’Autun tombe aux mains de son ennemi le maire du palais de Neustrie, Ébroïn. On lui coupe la langue, on lui taillade la joue et les lèvres, on l’oblige à marcher pieds nus à travers une piscine parsemée de pierres aiguës et, enfin, on lui crève les yeux.
Brunehaut
La femme de Sigebert, troisième fils de Clotaire Ier, règne jusqu’en 613, date de son arrestation par les nobles qui veulent se débarrasser d’elle. Elle a alors quatre-vingt ans, mais son grand âge n’empêche pas ses ennemis de lui faire subir des tortures épouvantables. Elle meurt attachée par les cheveux à un cheval lancé au galop. Deux de ses arrières-petits-enfants, Corbon et Sigebert, sont tués en même temps qu’elle.
Chilpéric
Le deuxième fils de Clotaire Ier prend pour troisième épouse Frédégonde. Celle-ci fait assassiner deux des trois fils que Chilpéric avait eus de son premier mariage avec Audovère, et également Galswinthe, sa deuxième femme, trouvée étouffée dans son lit. Chilpéric est lui-même tué en 584, soit par Frédégonde, soit par Brunehaut, sa belle-sœur.
