Dynastie Capétienne : Les Rois Capétiens Usurpateurs de la Couronne ?

Hugues Capet a fondé une dynastie qui régnera sur la France pendant huit cents ans. Élu roi à la place du successeur légitime du dernier Carolingien, s’est-il emparé de la couronne plus qu’il ne l’a méritée?
En mai 987, Louis V, alors âgé de 20 ans, meurt au cours d’une partie de chasse. Le jeune roi n’avait pas d’enfant. S’ouvre alors une crise de succession au trône de France. Son oncle Charles de Lorraine est l’héritier légitime de la couronne, mais une assemblée composée de grands du royaume, c’est-à-dire une quinzaine d’évêques, quelques princes territoriaux et autant de comtes, désigne Hugues Capet comme roi de France.
L’élection d’un roi plutôt que la succession héréditaire s’inscrit dans une ancienne coutume franque, mais, simple formalité sous les premiers Carolingiens, elle était très vite devenue un objet d’âpres marchandages entre les grands. Déjà, elle avait porté au pouvoir les ascendants directs d’Hugues Capet, les Robertiens, en lésant les intérêts des légitimistes carolingiens.
À peine élu, et soucieux d’asseoir un pouvoir encore fragile, Hugues Capet s’empresse d’exiger que son fils Robert soit lui aussi sacré roi afin qu’à sa mort, il lui succède. Ce faisant, il enracine la dynastie héréditaire des Capétiens, et après lui il sera acquis qu’il n’y aura d’autre roi légitime sur le trône de France que celui désigné par l’hérédité. Or Hugues Capet non seulement a été élu, mais il l’a été au détriment de Charles de Lorraine, que l’hérédité justement désignait comme successeur de Louis V…
Une querelle d’historiens
Désormais, les historiens du royaume vont devoir s’attacher à justifier l’avènement d’Hugues Capet et, surtout, à éloigner les soupçons d’usurpation. La mort de Louis V sans héritier direct était un argument de poids, avec lui s’éteignaient naturellement les Carolingiens. Quant à Charles de Lorraine, on met en évidence sa trop grande sujétion à l’égard de l’empereur germanique qui lui avait accordé le duché de Basse-Lorraine, avant de le faire purement et simplement disparaître des chroniques.
Mais bientôt paraît à Sens une Historia Francorum qui propose une tout autre version de l’affaire en faisant de Charles de Lorraine le frère, et non plus le neveu, de Louis V. C’est remettre en cause l’accession au trône d’Hugues Capet qui doit forcément sa couronne à quelque intrigue, au détriment de Charles, héritier légitime. L’Historia Francorum va faire des émules qui tous présenteront la dynastie capétienne comme assise sur la forfaiture.
Des contre-feux sont vites allumés, on fait écrire d’autres histoires, favorables cette fois aux Capétiens. Une fois encore Charles de Lorraine est passé sous silence, on fait même de Hugues Capet l’époux de la fille du dernier Carolingien. Surtout, les chroniqueurs insistent sur la généalogie de celui qui, par sa mère Hauvide et sa grand-mère Mathilde, descend de Charlemagne. Une généalogie sinueuse certes, mais exacte sur le fond, qui doit suffire à légitimer le sacre de Hugues Capet, descendant naturel, quoique indirect, de Charlemagne. Présentée de la sorte, la dynastie capétienne n’est donc que la suite logique et généalogique de la dynastie carolingienne.
L’opportune intervention de Dieu
Le jour du sacre, Hugues Capet, n’avait pas manqué de proclamer qu’il devenait roi « par la faveur divine », et qu’il s’attacherait à conserver aux évêques leur « privilège canonique », ces mêmes évêques qui l’avaient fait roi… Et c’est l’Église justement qui répandit la légende selon laquelle saint Valéry et saint Riquier étaient venus en songe à Hugues Capet quand celui-ci n’était encore que comte de Paris. Les reliques des saints avaient été mises à l’abri des pillages normands, mais une fois le danger écarté les moines du monastère de Saint-Bertin ne voulaient pas les restituer. Hugues promis aux deux saints d’intercéder en leur faveur, ce qu’il fit, et dans un nouveau songe saint Valéry le récompensa en lui accordant, à lui et à ses sept successeurs, de régner sur la France. L’intervention de Dieu ne pouvait pas manquer de couper court aux querelles d’historiens! Non seulement la dynastie capétienne était bel et bien établie, mais elle l’était de surcroît par la volonté de Dieu.
L’intercession divine sera plus manifeste encore quand le Capétien Louis IX deviendra saint Louis. On oubliera alors les querelles de légitimité et on ne songera plus trop au fondateur de la dynastie, et aux conditions suspectes de son accession au trône.
La place d’un tombeau
Lorsque la monarchie fit de la basilique de Saint-Denis le tombeau des rois de France, une réorganisation de la disposition des tombes fut nécessaire pour concilier les Mérovingiens, les Carolingiens et les Capétiens dans une seule lignée. En effet, de 1263 à 1267, Saint Louis avait fait placer au nord les tombeaux des rois capétiens; au sud, ceux des rois carolingiens; au centre, ceux de Philippe Auguste, de Louis VIII et le sien. Mais, dès 1306, Philippe le Bel modifia ce plan et déplaça quatre tombes carolingiennes qu’il installa aux côtés des Capétiens, mettant ainsi en valeur d’une part la filiation des Carolingiens et des Capétiens, et, d’autre part, l’unité de la monarchie française.
