Pays De Pount
Une Terre Mythique d'Égypte Antique ?

S'il y a une chose que l'on peut dire à propos de l'Égypte antique, c'est qu'on aimait construire des monuments. Pyramides, temples, tombeaux, obélisques et statues parsèment le paysage de l'Égypte actuelle. Non contents d'avoir construit des monuments, les Égyptiens aimaient les décorer : inscriptions, bas-reliefs et, là où ils ont survécu, peintures et dessins innombrables. Avec les documents écrits sur des papyrus (rouleaux de papier égyptien) et des tablettes d'argile, ils nous ont laissé un remarquable aperçu d'une culture qui a duré 3 000 ans, d'environ 3 000 av. J.-C. jusqu'à l'époque romaine et la naissance du Christ. En plus de nous renseigner sur eux-mêmes et leurs exploits, les Égyptiens nous ont aussi laissé une mine d'informations sur les peuples qui occupaient les territoires environnants. La plupart d'entre eux sont bien connus, mais l'un d'eux reste une énigme. Il existe un certain nombre de références à des missions commerciales vers un endroit que les Égyptiens appelaient le pays de Pount. Ils le considéraient comme un lieu d'une grande beauté, une sorte de vieux Shangri-La, où la vie était facile, ou du moins, beaucoup plus facile qu'elle ne l'était en Égypte. Mais ce qu'ils ne nous disent pas, c'est où cette terre se situait réellement.
Des terres inconnues
Les Égyptiens sont les seuls à avoir parlé du pays de Pount, ce qui signifie soit qu'il n'était pas bien relié avec le monde extérieur, soit qu'il était connu d'ailleurs sous un autre nom. En Égypte, le pays de Pount est mentionné tout au long de l'histoire de la civilisation et il y est presque toujours décrit de manière positive, généralement en rapport avec l'abondance des ressources qui y sont disponibles et les bonnes relations commerciales entre les deux pays. Contrairement à presque tous les autres pays connus des Égyptiens, qui étaient toujours en guerre contre un peuple, il n'existe aucun récit de guerres ou d'invasions entre les deux pays. Le pays de Pount semble avoir été considéré comme totalement pacifique et harmonieux, tout en étant à l'origine de nombreux produits commerciaux hautement convoités.
Le récit le plus complet sur le pays de Pount provient du temple de la reine Hatchepsout à Deir el-Bahari, sur la rive ouest du Nil, en Haute-Égypte, près de la Vallée des Rois. Au deuxième niveau des trois terrasses qui composent le bâtiment, de vastes bas-reliefs dépeignent une mission commerciale au pays de Pount. Ces bas-reliefs sont les seuls connus qui montrent les individus et les paysages d'un pays autre que l'Égypte, ce qui donne une indication de l'importance qu'attachaient les Égyptiens, par ailleurs très égocentriques, au pays de Pount.
Hatchepsout devint reine à la mort de son mari, Thoutmosis II. Elle régna pendant 22 ans, à partir de 1479 à 1458 av. J.-C. Appartenant à la XVIIIe dynastie, elle était un ancêtre direct de Toutankhamon, qui monta sur le trône environ un siècle plus tard. Bien qu'inhabituel en Égypte, le couronnement d'une reine n'était cependant pas sans précédent. Le règne d'Hatchepsout coïncide avec une période de prospérité et de stabilité, qui se reflète dans la quantité de travaux de construction mis en oeuvre durant sa vie, dont le temple mortuaire qui lui permettrait de s'assurer qu'on ne l'oublierait pas après sa mort.
Missions commerciales
Le nombre de bas-reliefs du temple funéraire qui dépeignent le pays de Pount démontre qu'Hatchepsout considérait la mission commerciale comme l'une de ses plus grandes réalisations en tant que reine et montre peut-être le rétablissement des liens commerciaux après une longue période d'inactivité. Hatchepsout a envoyé 5 navires au pays de Pount, où ils ont échangé, entre autres choses, de l'or, de l'ivoire, des animaux sauvages et diverses résines aromatiques, en particulier de la myrrhe. Les bas-reliefs montrent le roi de Pount, nommé Parahu, et son épouse, Ati, qui n'est pas présentée sous son jour le plus flatteur. C'est une dame assez forte qui se déplace à dos d'âne. Dans les scènes de vie villageoise, les habitants de Pount sont dépeints comme étant grands et beaux, les hommes ayant, contrairement aux Égyptiens, une courte barbe et de longs cheveux. Ils vivent dans des maisons coniques bâties sur pilotis, et élèvent des bovins à petites cornes. Il existe de nombreuses représentations d'animaux sauvages, notamment des girafes, des rhinocéros, des hippopotames et des léopards. Ceux-ci, ainsi que les scènes montrant des poissons de la Mer Rouge, laissent à penser que le pays de Pount était situé sur la côte de la mer Rouge de l'Afrique, dans le région de ce qui est maintenant l'Érythrée, Djibouti et la Somalie. Cette hypothèse est étayée par les marchandises commerciales acquises pendant la mission égyptienne, et qui étaient toutes disponibles dans cette partie de l'Afrique. Selon une autre hypothèse, le pays de Pount se situerait plus à l'intérieur, le long des rives du Nil supérieur dans ce qui est aujourd'hui le Soudan du sud. Un fascinant faisceau de preuves semble converger vers cette théorie. Les Dinka, qui vivent aujourd'hui dans la région, sont grands et, pendant la saison des pluies, construisent encore des maisons coniques sur pilotis. Mais en plus d'un décalage de 3 500 ans, les poissons représentés sur les bas-reliefs sont des espèces d'eau salée de la mer Rouge et non des poissons d'eau douce qu'on trouve dans le Nil.
Le Yémen ?
Les bas-reliefs du temple d'Hatchepsout ne fournissent peut-être pas suffisamment de preuves pour situer le pays de Pount avec exactitude, mais ils désignent certainement un emplacement africain situé quelque part au sud de l'Égypte. Tout le monde n'accepte cependant pas cette interprétation. L'égyptologue français Dimitri Meeks soutient que si toutes les sources d'information sur le pays de Pount sont prises en considération, et pas uniquement les bas-reliefs, l'hypothèse selon laquelle le pays de Pount est en Afrique souffre de sérieux doutes. Il pense que la localisation la plus probable se situe sur les côtes de la mer Rouge de la péninsule arabique, en particulier l'extrémité sud de celle-ci, dans ce qui est aujourd'hui le Yémen. Dans les textes faisant référence au pays de Pount et tirés de différentes périodes de l'histoire égyptienne, l'emplacement, bien que n'étant pas précisé avec exactitude, semble se trouver à l'est de l'Égypte, plutôt que vers le sud, et peut être atteint par voie terrestre à travers les déserts du Sinaï et du Néguev, ainsi qu'en traversant la mer Rouge en bateau.
La liste des biens commerciaux donnés par les Égyptiens pointe, à certains égards, en direction de la péninsule arabique. Les Égyptiens étaient particulièrement désireux d'acquérir des résines aromatiques, dont ils se servaient dans les rituels religieux, ainsi que de la myrrhe, que l'on trouve en Afrique et en Arabie. Ils échangeaient aussi d'autres variétés, comme la résine du pistachier, que l'on trouve seulement au Moyen-Orient. La présence de la faune africaine sur les bas-reliefs du temple d'Hatchepsout pourrait, selon Meeks, être le résultat des échanges par les Pountites, qui auraient agi comme des intermédiaires en fournissant aux Égyptiens des animaux provenant d'ailleurs. On pourrait bien sûr avancer le même argument pour la présence de résines arabes en Afrique, donc, en l'absence de tout élément de preuve concordant, il est difficile de le savoir avec certitude.
Une terre mythique ?
Les Égyptiens considéraient peut-être le pays de Pount comme une terre mythique d'abondance et non comme un lieu spécifique, qui variait ainsi à différentes époques et en fonction des produits commerciaux qu'ils recevaient. Le situer avec exactitude devient alors inutile. Pour l'instant, nous ignorons totalement la véritable identité du pays de Pount.
