Amelia Earhart
Une Grande Aviatrice Portée Disparue

L'île Howland est un minuscule bout de terre près de l'équateur, dans la région centrale de l'océan Pacifique, qui fait un peu plus de 1,5 km de long et moins de 800 m de large. L'île de corail a été inhabitée pendant une grande partie de son histoire, à l'exception de quelques années dans les années 1930 : le gouvernement américain y envoya des étudiants afin de maintenir ses revendications de souveraineté et pour y construire une piste d'atterrissage. L'île est ressortie de l'obscurité complète le 2 juillet 1937. Lors de sa tentative de faire un tour du monde en avion, Amelia Earhart choisit en effet cette destination pour faire escale dans le Pacifique. Avant leur arrêt prévu sur l'île, Amelia Earhart et Fred Noonan, son navigateur, ont déjà volé 32 000 km : ils ont traversé les États-Unis, ont mis le cap sur l'Amérique du Sud, puis ont traversé l'océan Atlantique vers l'Afrique puis vers l'Asie. Ils décollent de Lae sur la côte est de la Papouasie-Nouvelle-Guinée pour entamer la dernière partie de leur voyage en traversant le Pacifique.
Pour atteindre l'île Howland, ils doivent voler 4 000 km au-dessus de l'eau et, après avoir établi le contact radio avec la garde-côtière Cutter Itasca, stationnée sur l'île, il est prévu qu'ils utilisent la direction donnée par la radio pour naviguer vers la piste d'atterrissage. Pour des raisons qui demeurent obscures, seuls des contacts intermittents ont pu être établis, ce qui est insuffisant pour permettre à Amelia Earhart et Fred Noonan de se diriger vers la piste d'atterrissage. Ils ne sont jamais arrivés sur l'île. En dépit d'un effort de recherche massif, aucune trace de l'aéronef, ni de son pilote et de son navigateur, n'a jamais été retrouvée.
Une pilote extraordinaire

Au cours des dix années précédant sa disparition, Amelia Earhart devient une célébrité internationale. Ses exploits aériens font la une des journaux du monde entier depuis 1928, tandis qu'elle devient la première femme à traverser l'Atlantique en avion. Même si elle n'est pas elle-même aux commandes, qualifiant elle-même son rôle dans ce vol de “sac de pommes de terre”, elle reçoit un accueil triomphal à son retour aux États-Unis. Elle se lance ensuite dans une série de défis aéronautiques où elle pilote elle-même. C'est ainsi qu'elle devient en 1932 la première femme à traverser l'Atlantique en solitaire. À l'époque, elle épouse George P. Putnam, l'homme qui a financé son premier record. C'est un publicitaire très compétent qui, lorsqu'Amelia Earhart n'est pas en train d'essayer d'établir de nouveaux records, organise des séries de conférences et publie des livres sur elle. Son charme enfantin et son air sympathique lui valent toutes les attentions de la presse. Même si les femmes aviatrices sont nombreuses à l'époque, certaines étant même sans doute meilleures qu'elle, la presse surnomme Amelia Earhart “la reine des airs”.
Et une grande entrepreneure
La famille d'Amelia Earhart, modérément riche, peut, dans un premier temps, financer ses ambitions aériennes. Comme beaucoup d'autres personnes à l'époque, elle perd une grande partie de son argent lors du krach boursier de 1929 et durant la Grande Dépression qui suit au début des années 1930. Dès lors, elle doit trouver elle-même de l'argent pour financer ses exploits, ce qu'elle fait avec l'aide de Putnam. En plus de l'écriture de livres et des conférences, elle crée sa propre école de pilotage et lance plusieurs produits commerciaux, notamment sa propre ligne de vêtements et bagages. En parallèle, elle continue de battre des records d'aviation. En 1935, elle est la première personne à voler en solitaire de Honolulu, à Hawaï, jusqu'à Oakland, en Californie. Ce vol pionnier est suivi de deux autres la même année – sans escale entre Los Angeles et Mexico, puis de Mexico à New York.
Faire le tour du monde

D'autres records aérien étant régulièrement établis par d'autres pilotes, Amelia Earhart cherche perpétuellement à rester en lice en enchaînant les exploits. Après ses vols en solitaire en 1935, elle est chargée de cours au département d'aéronautique à l'université de Purdue dans l'Indiana. La faculté accepte de financer sa prochaine expédition, de lui acheter un nouvel avion, un bimoteur Lockheed Electra. Il coûte 50 000 dollars et il faut 30 000 dollars de plus afin de le configurer comme le souhaite Amelia Earhart, qui projette de faire le tour du monde par une route équatoriale qui n'a jamais été tentée auparavant.

Le 17 mars 1937, Amelia Earhart décolle d'Oakland, en Californie, pour tenter d'effectuer un tour du monde par l'ouest. Si elle y parvient, cela ne serait pas le premier tour du monde, mais le plus long – 29 000 milles, en suivant une route équatoriale. À bord de son Lockheed se trouvent Frederick Noonan, son navigateur et ancien pilote de la Pan American, le copilote Harry Manning et Paul Mantz, qui intervient en tant que conseiller technique. Ce dernier a décidé de ne les accompagner que jusqu'à Honolulu, à Hawaï. La première étape vers Honolulu est fatigante, mais se déroule sans incident majeur. Après s'être reposé et ravitaillés à Honolulu, le trio s'apprête à redécoller de Pearl Harbor, en face d'Honolulu, où l'avion a dû subir un entretien. Cependant, au moment du décollage, l'Electra fait une tête à queue, provoquant la destruction du train d'atterrissage. Le carburant se répand partout, mais par miracle, ne prend pas feu et, à l'exception de quelques bosses et contusions, personne n'est blessé. Une tragédie vient d'être évitée. La cause exacte de l'accident ne peut être établie. On pense à un pneu éclaté, et Mantz, qui a souvent critiqué les compétences d'Amelia Earhart, cite une erreur de pilotage. Quelle que soit la cause, l'avion a subi d'importants dommages et Amelia Earhart doit renoncer à son tour du monde.
Une deuxième tentative

Après avoir fait réparer l'avion, et après avoir levé des fonds supplémentaires, Amelia Earhart se lance dans une seconde tentative le 1er juin, cette fois avec l'intention de voler dans l'autre sens, d'ouest en est, avec Noonan pour seul accompagnateur. Au bout d'un mois, ils ont quasiment bouclé leur tour du monde. Le voyage a été difficile, avec peu d'occasions de se reposer, mais ils arrivent en Nouvelle-Guinée le 29 juin sans avoir rencontré de problèmes majeurs, à l'exception de difficultés à utiliser l'équipement de radionavigation. Compte tenu de la distance qu'ils ont parcourue, ils doivent être impatients de s'attaquer à la dernière étape de leur traversée du Pacifique, même si elle s'avère la partie la plus difficile et la plus dangereuse du voyage. Ils décollent trois jours plus tard, l'Electra s'envole pesamment dans le ciel à cause de sa lourde charge de carburant, et se dirige vers l'île Howland.
Une disparition inexpliquée
On ne connaît toujours pas la raison pour laquelle ils se perdront. La réponse la plus évidente est qu'ils n'ont toute simplement pas réussi à trouver l'île et qu'ils ont manqué de carburant, ce qui a dû obliger Amelia Earhart à un amerrissage forcé sur l'océan. Or une telle manoeuvre est très difficile, même dans des conditions parfaites, et après 20 heures de vol, Amelia Earhart devait être extrêmement fatiguée. Dans de telles circonstances, il n'est pas difficile d'imaginer l'avion s'écraser sur l'eau. Même si elle a réussi à se poser en toute sécurité, la probabilité de rester à flot pendant longtemps n'aurait pas été très élevée. Dans le vaste étendue de l'océan Pacifique, les chances d'être secouru sont faibles, d'autant plus lorsque les sauveteurs ne savent pas exactement où chercher.
On ne connaît pas la raison exacte pour laquelle ils se sont perdus. Le fait de n'avoir pas pu établir de contact radio suffisamment bon a probablement joué un rôle. Peut-être y a-t-il eu un problème avec l'émetteur de l'avion, ou bien le pilote et le navigateur n'étaient pas habitués à utiliser ce matériel. Certains ont émis l'hypothèse que l'antenne radio avait été endommagée lors du décollage, mais il n'est pas possible de le savoir avec certitude tant que l'avion n'a pas été retrouvé. Les chances de le faire sont minces étant donné la profondeur de l'eau dans cette partie du Pacifique.
Les messages radio reçus de l'avion par l'Itasca étaient suffisamment forts pour indiquer qu'il n'était pas loin. D'après le dernier message, Noonan avait établi une position, ce qui indique qu'il pensait qu'ils avaient volé assez loin à l'est pour avoir atteint Howland et qu'ils volaient maintenant du nord au sud, pour tenter de trouver l'île. Il s'est avéré par la suite que la position de Howland n'avait pas été correctement indiquée sur les cartes navales américaines en usage à l'époque – il y avait un écart de 5 miles nautiques (soit 9 km). L'Electra n'ayant pas réussi à se présenter à l'heure prévue, l'Itasca commence à émettre de la fumée noire, visible à des kilomètres alentour, donc, si l'avion avait été quelque part dans les environs de l'île, Amelia Earhart et Fred Noonan auraient dû le voir.
De nombreuses théories
Inutile de dire qu'en l'absence d'une réponse définitive, toutes sortes de théories ont été émises pour tenter d'expliquer cette disparition. À l'époque, certains ont pensé qu'Amelia et Noonan avaient pu retourner en arrière quand ils ont vu qu'ils n'arrivaient pas à trouver Howland. Des recherches intensives ont été lancées autour des îles au-dessus desquelles l'avion aurait pu passer et qui se trouvent sur le chemin de Howland. On n'a rien trouvé. De nouvelles recherches ont été régulièrement entreprises au fil des ans, en particulier sur l'île de Nikumaroo. On y a trouvé des signes de vie, ce qui indique que des gens sont restés sur l'île pendant une période et à peu près au bon moment, mais rien n'a pu explicitement être relié à Amelia Earhart ou Fred Noonan.
Selon une autre thèse, ils ont été capturés par les Japonais et maintenus prisonniers en tant qu'espions. Des témoignages de Saipan datant des années 1960, racontent que des témoins sur l'île ont vu deux Américains, un homme et une femme, gardés par des soldats japonais qui, selon certains rapports, ont emmené leurs prisonniers dans la forêt et les ont exécutés. On a alors raconté qu'Amelia Earhart et Fred Noonan avaient été engagés par le gouvernement américain pour espionner les positions japonaises dans le Pacifique – une idée qui a été largement discréditée. Un tour du monde aussi médiatisé dans de nombreux pays, dont le Japon, n'aurait guère été une bonne couverture pour des opérations secrètes d'espionnage.
Une fin tragique pour une femme d'exception
En fin de compte, tout ce que nous pouvons dire, c'est que l'avion s'est perdu en mer. Même aujourd'hui, malgré toute la technologie disponible pour suivre les avions, il arrivera de temps en temps que l'un se perde ou dévie considérablement de son itinéraire, sans raison apparente. Dans les années 1920 et 30, lorsque Amelia Earhart volait, la technologie radio en était à ses débuts et le matériel dont elle disposait était nouveau et n'avait fait l'objet que de peu de tests. Cette pionnière de l'aviation a repoussé les limites de ce qui était possible. Elle a démontré que les femmes étaient tout aussi capables de piloter un avion que les hommes. Voler était à l'époque une entreprise dangereuse, et Amelia Earhart ne fut que l'une des nombreuses personnes qui ont perdu la vie en poursuivant leurs ambitions. Les pilotes comptaient sur leur instinct et sur la chance, autant que sur leurs compétences et leur expérience. Nous ne savons pas ce qui est arrivé à Amelia Earhart, et nous ne le saurons probablement jamais avec certitude. Tout ce qui est sûr, c'est que sur ce vol fatidique, sa chance a tourné.
